Ferme les yeux

Ferme les yeux. Là, voilà. Installe-toi bien, enfonce-toi bien dans le moelleux de ton canapé ou appuie-toi sur le dossier de ton siège. Sens comme tes membres sont lourds. Ta tête est lourde, ta nuque, tes épaules… puis tes bras et tes mains pèsent car tu te relâches. Tu sens ? Tout ton corps se détend et s’abandonne. C’est dans cet état second-là que j’ai fait connaissance avec le phare qui m’a adoptée. Vous allez dire que je manque d’originalité. Un phare, comme par hasard. A l’origine de ma démarche, il y a la douleur. La douleur physique, celle de l’endométriose, et celle mentale qui m’a disloquée. (la perte de mon p’tit bout). Je ne savais pas comment gérer toute cette souffrance. Je m’y abandonnais vaincue. Combien d’années rouée de coups, j’ai tenté de rouler ma bosse. Et ce visage de façade qu’il fallait tenir au monde, aux gens, à la société. C’est le monde du travail qui m’a tenu la tête hors de l’eau même si nourrie de principes souvent ridicules ou inappropriés. J’ai lutté de toute ma science, de toute ma conscience, de tout mon art, de tout mon être. Et j’ai rencontré sur la route de l’endométriose des femmes remarquables, toutes deux docteurs. L’une a entrainé l’autre. La première fois que je suis rentrée dans cette pièce faite de bric et de broc, j’ai senti tous les efforts maladroits mis en œuvre pour faire de cet endroit un havre de paix. Les illustrations, les phrases, les couleurs, tout était douceur affichée. La femme qui a parlé alors et pendant toute la durée de cette séance était la douceur incarnée. Je lui ai révélé l’image, la représentation qui me faisait tenir : moi, peignant, en Bretagne. Elle m’a emmenée dans un voyage sensoriel par le seul biais de sa voix. Elle m’a réconciliée avec mes sensations. Chaque fois on démarrait par une phase de relaxation qui me détendait et ouvrait mes oreilles et mon esprit. Je ne peux pas répéter ce qu’elle a dit ni cette fois-là ni les autres. Le sens du récit m’emportait si loin que sa voix parlait à mon être, à mon âme. Avant la relaxation, j’évoquais mes douleurs et mes mieux êtres. Et mes efforts pour tendre à retrouver paisibilité et joies comme une droite tend vers l’infini. Forte de ces réminiscences, je la rejoignais détendue dans une promenade virtuelle. Celle qui m’a le plus marquée et m’a été le plus bénéfique, c’est celle qui m’a menée au phare. CE phare que je vis, que j’habite, que j’anime et que parfois même j’arrive à quitter. Ce phare change de forme selon les jours. Il m’entoure de ces pierres, il me protège de ses rondeurs et m’anime de sa lumière. Quand je me sens petite, livrée ou hésitante, mon phare est là pour moi. Il me rassure, je m’y vis droite et sereine et toutes les tempêtes de la vie, qu’elles prennent la forme d’une douleur ou d’une maladroite expression parfois dévastatrice, frappent et cognent autour de moi mais ne m’atteignent pas. Je suis au cœur de ce phare, image fétiche que m’a offert une femme. Une femme pas comme les autres. Une femme qui m’a tendu le bout qui m’a fait entrer dans l’hypnothérapie, le bout d’elle qui faisait puzzle avec mon besoin. Bout de femme, bout de vie qui m’a rendu ma vie de femme. Une vie de femme-phare.

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