Pivoines

J’ai toujours aimé les fleurs. Que ce soit les roses découvertes par hasard près de l’ancienne gare avec Sergio mon amoureux d’alors qui ont servi à égayer la fête scolaire de mes huit ans. Ou les anémones de ma vie d’étudiante. Ou surtout les pivoines roses tendre. Que je ne supportais plus de voir l’été de mes trente-six ans. Oui les pivoines, j’ai mis du temps à réapprendre à les aimer. On me les a offertes à l’occasion de sa disparition puis de mon anniversaire… en juin 2007. Je n’avais aucun goût à les regarder. Rien ne me touchait. Rien ne m’émouvait. J’étais aux abonnées absentes. Il n’y avait plus âme qui vive derrière mes larmes sèches. J’avais perdu mon bébé en devenir… Rien ne comptait plus. Je m’efforçais cependant de remettre de la joie et de la vie dans ces yeux et cette âme. A Sainte-Anne, j’étais allée faire le marché lors d’une sortie autorisée. J’en avais rapporté un énorme bouquet de fleurs, avec des glaïeuls. Je me souviens car je n’aime pas particulièrement les glaïeuls contrairement à ma grand-mère maternelle. J’essayais de me dérouter, de me surprendre, de me prendre à contre-pied. J’espérais ainsi me ravir un peu l’esprit par le biais de la vue et de l’odeur. Cet été à Sainte- Anne a été long et lourd et difficile. Seule l’écriture me tenait. Tous les matins j’écrivais religieusement sur le temps qu’il faisait, imitant par la même Marguerite Duras sans le savoir. Les mots m’emportaient ensuite vers cette adresse à mon bébé que je sentais, pensais avoir été du genre féminin. Je lui parlais de lui et de son père. C’était une façon de faire mon deuil, mes adieux… J’ai quitté Sainte Anne pour Longues Aygues à Nègrepelisse, près de Montauban où je suis restée un peu plus d’un mois. Pas de fleurs là-bas. J’ai mis une chape de plomb sur ce séjour. Moins sur le suivant, un an plus tard. Encore bien des séjours ont suivi le premier à Sainte-Anne, je ne me remettais pas. Il a fallu en janvier 2009 dépasser les bornes du vivable pour retrouver le goût de vivre. Et quitter Paris qui avait fini par faire mon malheur. Depuis le rose fuchsia a remplacé le rose tendre. Et je tombe plus souvent sous le charme des dahlias et des hortensias. La mémoire de ce bébé m’accompagne au quotidien comme une douce mélancolie. Moi qui connaissais tous les fleuristes autour de chez moi, je n’y vais plus. Tu m’offres des fleurs parfois, souvent. Et si l’on ne m’offre plus de pivoines, j’ai quand même à nouveau plaisir à les regarder. Quelques fois quand mes pas m’égarent, je rapporte un bouquet mais la joie est là plus souvent que les fleurs.

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