Il pleut

Il pleut. Je sens les gouttelettes qui pointillent ma peau. Il fait doux pourtant. Je sens même derrière les nuages la présence impatiente du soleil. (…) Je sors d’une torpeur, d’un sommeil dont je ne sais s’il a duré. Mes paupières collent un peu. A côté de moi, un regard bleu océan sous des boucles blondes. Sa main est chaude dans la mienne. Un masque lui voile le visage, ce doit être une infirmière. Je lui souris. Je me demande où je suis. (…) Je suis allongé contre un tronc d’arbre. J’ouvre un œil, le soleil pointe son nez. L’air est doux. Je tends la main pour me saisir de mon bâton et me remettre en marche. Il n’y a rien. Je me lève et regarde autour de moi. Un chemin s’ouvre, sur la gauche, je l’emprunte et me réjouis de cette ballade. Et de rentrer chez moi. J’arrive devant une maison de rondins précédée d’un jardin. J’ouvre la porte et entre. Une femme à l’intérieur me sourit. Comment s’appelle-t-elle ? Mareike, oui, cela me revient. Elle dit qu’elle est ma femme. Cela… me laisse… indifférent. Elle est belle, souriante et écosse des petits pois. Elle me connait. Depuis longtemps je crois. Mais je ne le sais pas. Elle m’appelle Benjaman. Est-ce que c’est moi ? (…) Le chant des oiseaux me réveille. Je glisse mes pieds dans le coin frais du drap. Ça, mon corps sait qu’il aime le faire. Moi je ne sais plus : est-ce une habitude ancienne ? Est-ce que je tiens cela de mon enfance ? Je tourne la tête vers ses boucles blondes. J’aimerais dormir et me réveiller en me souvenant de son visage et de son prénom. (…) On m’a retrouvé à marcher dans la ville. Mécaniquement. Je sais que je regarde en l’air les passereaux qui traversent mon ciel quand on m’interpelle : - Vous êtes perdu, monsieur ? - … Je ne sais pas ? non, je ne crois pas… - Vous rentrez chez vous ? - Oui, je rentre chez moi, à deux blocs d’ici. - Vous avez vos papiers ? - Euh non, je les ai sans doute oubliés chez moi… - Votre nom, s’il vous plait ? - Je ne m’en souviens pas. - Très drôle ! - Non, c’est vrai, je ne me rappelle plus, je suis arrivé en ville à l’hôpital et j’en suis sorti pour me rendre chez moi mais je ne sais pas qui je suis. Le regard dubitatif, la femme en costume m’observe et me dévisage. Elle hésite. Puis elle me sourit et me conseille d’aller voir un médecin. (…) Je suis dans une pièce remplie de chaises en cercle et j’attends. Mon tour. Un homme en blouse blanche couronné d’une tonsure, blanche elle aussi, me tend la main et me dit : - Bonjour Benjaman Je lui réponds : « Bonjour docteur. Est-ce que je vous connais ? » Il me répond que oui et que je viens le voir depuis deux ans. - Alors vous savez que je m’appelle Benjaman. - Oui, Mareike votre femme me l’a dit. - Ça fait longtemps que je suis marié ? - Deux ans. - Et quel âge j’ai ? - 45 ans, vous avez 45 ans d’après mes estimations. - Et avant, je ne vous connaissais pas ? - Non. - Et vous non plus ? - Non - Et Mareike , je la connais d’où ? - Elle vous a rencontré l’hôpital. - Je me souviens de l’hôpital, vaguement. - Et de Mareike ? - Quand je la vois, je sais que c’est elle mais loin d’elle, je ne me rappelle que de son nom. - Vous avez perdu la mémoire. - Oui. - Elle ne reviendra pas. - La mémoire ? ou Mareike ? - La mémoire (…) Je me sens bien. Une légère brise fait voler ma mèche rebelle. Mareike est venue me chercher. Je respire son odeur que je reconnais. Comment s’appelle cette ville ? Mareike me tient le bras. « Je suis là, Benjaman ».

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