C. B.

Suie de l'ombre qui s'estompe. Le tracé du profil en plein laisse place à la trace dans son inconsistance, laisse place à l'absence. Les gris s'enfuient dans les blancs. Il a suffi d'un instant. La suie rassemblée au pied des jours ne dit même plus le feu ou les cendres. L'ombre du vivant elle-même n'est plus. Et pourtant reste même l'absence. Qui est ce qui n'est plus. Qui désigne ce tracé qui ronge à l'intérieur de soi. En forme de l'absent, le profil en creux au fond de soi. Le nom de la silhouette est alors manque. Absente aux sens, elle est creuse et intérieure. Et la nature a horreur du vide, du creux. Elle remplit le manque de souvenirs revisités, retaillés, recolorés. Elle les étire, les étend aux soleils. Les repasse ensuite devant ses yeux et les accroche aux portants de la mémoire. Dans le manque s'étalent aussi les mots dits. Dans la lenteur de l'espace dissous ils s'allongent, s'étirent, se dorent. Se retourner parfois tournant le dos à la lumière du sens, des sens. Grillés, ils mentent des beaux jours passés pour scarifier l'âme. Celle qui n'a pas su retenir ni contenir. Sans comprendre, elle apprend. Oubliant que prendre n'est pas à recevoir. L'inconsistance de la trace ne peut être perçue. Mais elle peut être reçue et sentie. Christian Bobin touche du doigt cet impalpable en caressant de la plume les faux airs des feuilles. Vos yeux ne verront point cette dilution de l'ombre dans la lumière. Car lire n'est pas voir mais dessiner en transparence du sens entre les traits, du sens entre les gens.

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